L'Ile bleue
Robert Laffont 1988
Quatrième de couverture
Sortir de l'enfance, c'est franchir un mur. On se hisse plus ou moins adroitement. On passe la tête. On découvre un paysage différent et on saute de l'autre côté parce qu'il n'y a plus rien d'autre à faire que sauter. On se reçoit plus ou moins bien. Certains se blessent et s'en remettent mal. D'autres peuvent même en mourir, au sens propre ou au figuré. Notre histoire à nous, ce fut d'entrer dans l'adolescence en sautant en plein dans une vraie guerre. Nous nous y retrouvions tels que nous étions, mais jouant à présent pour de bon. À l'Ile Bleue. Nous : Bertrand, très fier, Maïté, très belle, nos souverains. Pierrot, Zigomar, Zazanne et le narrateur, qui pourrait être aussi l'auteur de ce livre, car il n'y a de roman que de vérité. L'Ile Bleue : notre royaume magique. Une petite île entre deux bras de rivière perdue au fond de la Touraine. Le royaume est pris dans la tourmente de juin 1940 : la défaite des armées françaises, l'invasion, la décomposition du pays, jusqu'au jour où se présente devant l'île un officier allemand de vingt ans. Les fantasmes claquent au vent. L'amour, l'honneur, l'orgueil... La tribu, le clan, le royaume... Le mystère de la vie, de la mort... L'insolence de l'âme et du cœur, le théâtre des grands sentiments... La dévotion charnelle, la beauté... Les rêves en miettes, la réalité... Ainsi nous étions, les adolescents de ce temps, de tous les temps. Ainsi voulions-nous être, ou tout au moins l'avons-nous cru. Dieu merci, jusqu'à la fin du monde, cet âge sera celui des illusions.
Extrait
« C'est le drapeau du hasard. On a pris ce qu'on a trouvé dans les vieux bouts de tissu de ma tante. Il n'y avait plus ni rouge, ni jaune, ni noir, ni orange. Je pourrais, naturellement, vous balancer des tas d'explications, de symboles. Le bleu pour le ciel et le bonheur, la conscience d'un au-delà... Le blanc pour la pureté de l'âme, le mystère de la destinée non écrite, la page blanche de l'avenir, les vertus de l'oubli... Le vert... Le vert pour quoi ? Pour l'espérance des hommes ? Pour les arbres et leurs forces vives ou pour l'eau de la rivière ? Tarte à la crème. Rien de tout cela. Ce drapeau n'a aucun sens. C'est le mien. »
Jean Raspail, L'Ile bleue, 1988
Notre avis
Peut-être le livre le plus personnel de Jean Raspail, puisant tout à la fois dans ses souvenirs et dans son riche imaginaire, consacré au passage de l'enfance à l'âge adulte accompagné de son cortège de déconvenues, de déceptions et de criantes vérités. Une très belle leçon de vie dotée d'une fin superbe !